108 BULGARES, TURCS ET SERBES déclare nettement que c’était l’asker, les réguliers, qui avaient razzié et tout pris sans rien payer. En nous rendant au quartier musulman, nous l’avons trouvé, lui aussi, dévasté. Sur cinquante-cinq maisons, il n'en restait debout que vingt-cinq. Cette partie du village était vide et on a expliqué à la Commission que les hommes du village étaient partis pour l'Anatolie chercher leurs familles. Les réfugiés qui étaient rentrés (environ vingt-cinq à trente familles) étaient allés habiter le quartier chrétien. Des deux mosquées du village, l’une a été détruite entièrement et rasée, ainsi que l’école avoisinante. L’autre mosquée, convertie en dépôt de munitions, a été endommagée, elle aussi, surtout à l’intérieur; quelques stèles du cimetière ont été abattues. Les deux villages musulmans situés entre Has-keuï et Andrinople, celui de de Soyoutli-déré et celui d’Iskender-keuï, ont subi le même sort que les villages précédents. Des 87 maisons de Soyoutli, il n’en reste que 8 ou 10, avec 4o ou 5o habitants. La population est partie pour l'Anatolie. Ceux qui reviennent habitent des ruines qu’ils arrangent de leur mieux pour s’y mettre à l’abri du soleil et de la pluie. Ils appellent ces misérables habitations des colibi (des huttes). Iskender-keuï a souffert encore davantage. Sur 80 maisons, il n’en est resté que 4 ou 5. La population s’était enfuie à Andrinople ; mais tous les habitants sont maintenant revenus. Les quelques maisons qui restent debout le doivent à ce fait qu’elles ont été occupées par les Bulgares. La mosquée et l’école du village ont été rasées. La conclusion qu’on peut tirer de cette description, c’est qu’en effet, au commencement de la première guerre, les Bulgares ont détruit les villages musulmans, que la population presque tout entière a abandonné ces villages et que les institutions nationales musulmanes, les mosquées et les écoles, ont par-ticulièment souffert. Evidemment, ce ne sont pas là des faits isolés et fortuits. On se trouve bien en face d’une tactique nationale. Les officiers bulgares ont tenté d’expliquer cette conduite à la Commission en prétendant que les matériaux de ces maisons avaient servi à construire des logements d'hiver pour l’armée. Mais, outre que cette explication équivaut à un aveu, elle ne suffit pas à rendre compte de l’étendue de cette dévastation, ni surtout de la destruction des édifices du culte et des écoles. Nous sommes maintenant en juillet ; le mouvement de retraite bulgare se dessine et 1 offensive turque commence. De nouveau, la Thrace devient le théâtre de la guerre. On accuse assez unanimement Enver-Bev d’avoir envoyé en avant de ses troupes régulières les cavaleries arabe et kurde. Les « Arabes » sont très souvent indiqués comme étant les auteurs des crimes, dans les récits des victimes. La Commission a recueilli des témoignages attestant que les offi-