XXIV INTRODUCTION Situation paradoxale. Les surenchères d’armements ne pouvaient indéfiniment durer, à notre époque des compétitions économiques ouvertes entre tous les peuples de l’Ancien Monde et du Nouveau. Déjà, en raison même de l’accroissement de nos budgets et malgré des manœuvres désespérées, elles perdent du prestige dans l’opinion ; on les juge, et, par conséquent, on les condamne. L’excès des armements apparaît comme le développement d’une industrie monstrueuse, incompatible avec le travail national. En dépit de tout ce quelle occupe d’ouvriers, distribue de salaires, nourrit d’activités auxiliaires, l’industrie des armements ne prospère que par l’insécurité universelle, ne vit que de l’augmentation des charges publiques, lout ce dont se plaignent, en un mot, les industries normales dans tous les pays. Sous ce régime de la paix armée, les petits pays seuls ou les pays neufs sont favorisés ; ceux qui n’ont pas de dettes, pas de gros budgets de la guerre. Ce qui achève de déconsidérer la paix armée, c’est que manifestement aujourd’hui les grands pays sont les premiers à ne plus vouloir de la guerre. Chacun d’eux. l’Allemagne aussi bien que l’Angleterre, que la France, que les Etats-Unis, pour ne pas les nommer tous, a découvert cette vérité de M. de la Palice, à savoir que le plus riche est celui qui a le plus à perdre à la guerre ; et c’est la paix que chacun veut maintenant par-dessus tout. Cela est si vrai que ces deux guerres des Balkans nous ont valu un autre miracle, ne l’oublions pas : l’accord actif et très sincère des grandes puissances, lesquelles, changeant de rôle, ont tout fait pour localiser les hostilités et sont devenues dans les Balkans les défenseurs de la paix qu’elles menaçaient, il y a trente-cinq ans, au temps du Congrès de Berlin. Nous pourrions être tentés d’attribuer, pour une part, à l’éducation nouvelle que nous Iravaillons à répandre, cette évolution de l’opinion et celle des Gouvernements, mais ne tenons compte que des faits : les nécessités de la concurrence universelle, les communications multipliées, la révolte des contribuables, la crainte du socialisme et de l’inconnu ont fait réfléchir les Gouvernements plus encore que toutes les exhortations. S’il en est ainsi, pourquoi ne pas s’arrêter? C’est le rêve ! Oui, mais comment faire? On n’y prend pas garde. Un personnel innombrable, avec des capitaux immenses, est engagé dans la fabrication des armements ; plus encore, un outillage énorme qu’il faut amortir s’est créé, se crée tous les jours. Oui ne tiendra pas compte de ces accumulations de forces et de richesses? Qui pourra couper court à cet élan? Le marché intérieur, il est vrai, est saturé partout de commandes d’armements ; les journaux chauvins, ceux aussi dont dispose la Fédération des fournisseurs militaires admirablement groupés en Syndicats nationaux et internationaux, ne peuvent pas pousser indéfiniment à la consommation nationale. Il arrive un jour où l’opinion refuse de se soumettre plus longtemps à ce régime, soi-disant patriotique. Et c’est alors que l’industrie des armements, voyant